En Occident, nous avons appartenu à nos pères, puis à nos maris pendant des siècles. Le patriarcat nous a infantilisées à outrance, marchant sur nos droits les plus fondamentaux : voter, travailler et disposer de notre corps. Si aujourd’hui, les choses ne sont pas parfaites, nous avons défait nos chaînes et conquis notre indépendance ! Pourtant, certaines d’entre nous avouent aimer se faire dominer au lit par leur partenaire… Serait-ce une régression ? Féminisme et désir de soumission sont-ils vraiment incompatibles ?
Les revendications féministes majeures
Les féministes réclament l’égalité des chances et l’équité entre les hommes et les femmes.
Cela passe par :
- La lutte contre le harcèlement et les violences sexistes et sexuelles
- Une meilleure prise en charge des victimes de viol et de violences conjugales
- L’égalité salariale
- La revalorisation des métiers principalement occupés par des femmes
- L’accès à des postes à haute responsabilité
- Un meilleur accès aux protections menstruelles
- Une charge mentale allégée
- Un allongement du congé paternel
- Une déconstruction des stéréotypes de genre dès l’enfance
- Une mode plus diversifiée (toutes les morphologies représentées)
- Moins de male gaze dans la culture et les médias
“Je suis féministe, mais…”
Vous ne pouvez pas sortir sans être maquillée, vous êtes épilée intégralement, vous avez fait de la chirurgie esthétique, vous portez des talons, vous écoutez Booba, vous aimez pratiquer le bondage, vous êtes mère au foyer ou vous enchaînez les relations toxiques ? Il n’est pas impossible que certaines de vos amies tiquent en vous entendant vous déclarer féministe.
Ne serions-nous pas en train de vivre une nouvelle forme d’oppression infligée en grande partie par nous-mêmes ? Celle d’être une féministe parfaite, irréprochable sur toute la ligne ? Les femmes ne subissent-elles pas suffisamment d’injonctions comme cela ? Si questionner nos comportements et nos habitudes est essentiel, les juger demeure contre-productif. On ne change pas le monde en un claquement de doigts.
Les divergences féministes autour de la sexualité
Le féminisme, porté par des figures notables telles que Simone Veil ou Gisèle Halimi, a permis aux femmes de s’émanciper du carcan patriarcal. Notre sexualité passive est ainsi devenue active grâce à la pilule, à la légalisation de l’IVG (bien que ce droit soit toujours sur la sellette) et à la criminalisation du viol dans le Code Pénal.
Nous pouvons avoir des relations sexuelles hors mariage, explorer notre plaisir avec qui bon nous semble (y compris avec notre vibro !) ou rester célibataire si cela nous chante. Les premiers clitoris sont apparus sur les manuels scolaires et Disney a métamorphosé ses princesses guimauves en de véritables héroïnes badass. Ces progrès mettent toutes les féministes d’accord.
La scission féministe se fait – entre autres – sur la place que prend la femme dans sa sexualité et notamment sur son désir de soumission. Les féministes abolitionnistes pensent que le patriarcat se sert de la pornographie, du BDSM et de la prostitution dans le dessein de nous maintenir dans un rôle de femme soumise, hypersexualisée. Leurs craintes sont plus que légitimes. En revanche, les féministes pro-choix considèrent que chacune d’entre nous devrait être libre de disposer de son corps comme elle le souhaite. Là encore, les arguments tiennent la route.
Le patriarcat utilise-t-il la libération de notre sexualité afin d’asseoir sa domination de façon dégradante ? Comment se positionner sur ce sujet délicat ? Devons-nous nécessairement avoir une opinion tranchée sur la question pour être une bonne féministe ?
D’où vient le désir de soumission ?
Dans le règne animal, le pouvoir est généralement hiérarchisé au sein d’un groupe, avec des dominants et des soumis. Le chimpanzé alpha, par exemple, jouit de privilèges en matière de nourriture et d’accouplement. En contrepartie, il assure la protection des siens sur le territoire.
Toutefois, réduire nos désirs de soumission à notre nature animale paraît quelque peu simpliste étant donné l’évolution de l’espèce humaine et les droits acquis progressivement par les femmes depuis le XXe siècle. Pas sûr que nous cherchions de nouveau à dépendre d’un homme pour être protégées.
Il est plus probable que nos comportements trouvent leur origine dans notre éducation et la pop culture. On enseigne aux petites filles à être sages et obéissantes et aux petits garçons à être forts et compétitifs. L’omniprésente du male gaze nous force à juger la femme à travers sa beauté et son attractivité. La valeur d’un homme, quant à elle, se nourrit de son courage et de sa résistance. Les blockbusters romantiques mettent systématiquement en scène un bad boy ou un gentleman aux côtés d’une superbe fille “bien comme il faut”, souvent de dix ans sa cadette. La pornographie contrebalance cette image de fille lisse avec celle de la salope. Dans tous les cas, la femme est toujours soumise et l’homme est toujours un conquérant. L’une, passive, attend, espère et accepte sans se plaindre ; l’autre, actif, courtise, vole le premier baiser et pénètre.
La domination sexuelle est-elle malsaine ?
Il est primordial de ne pas confondre le rapport dominant-dominé avec la contrainte. La domination n’est acceptable que lorsqu’elle est consentie par celui qui s’y soumet. D’une part, on parle d’une personne assouvissant son désir de soumission, d’autre part, on parle d’une victime d’abus.
La soumission et la domination sexuelle doivent être abordées à la manière d’un jeu de rôle avec des règles, un équilibre et des limites à ne pas franchir, et non pas comme un moyen d’imposer ses fantasmes à son partenaire ou de se décharger de ses frustrations.
Mettre en pratique ce jeu entre adultes consentants permet de pimenter sa vie sexuelle. Une femme au caractère entreprenant peut désirer se faire soumettre au lit par son compagnon afin de s’évader de son quotidien par exemple.
50 nuances de soumission
La plupart des femmes appréciant la soumission ont recours à des pratiques sexuelles soft telles que la fessée érotique, les insultes cochonnes, les menottes… Il s’agit de jeux coquins n’impliquant pas de souffrances. L’excitation est principalement psychologique.
Dans le milieu du BDSM, on passe à un stade supérieur. Les rôles du dominant et de la soumise sont plus prononcés. L’humiliation et les punitions sont au cœur de la sexualité et la douleur est réelle. Certains sadomasos vont très loin, avec une recherche de souffrance extrême et des simulations de viol. Le consentement reste évidemment la règle d’or.
Toutefois, la domination n’est pas obligatoirement synonyme de violence (simulée ou non) et de femme objet. Dominer l’autre peut signifier “prendre les choses en main”. Ainsi, le “soumis” s’abandonne à la volupté et le dominant contrôle tous les plaisirs…
Apprendre à faire connaissance avec son corps
Construire sa sexualité autour d’un désir de soumission hétéronormé, c’est se priver de découvrir son plaisir par soi-même. En effet, dans le domaine charnel, un monde sépare parfois la théorie de la pratique. Ce qui nous excite n’est pas forcément ce qui nous fait le plus de bien. S’il est difficile d’échapper aux fantasmes sur-mesure conçus par la société, rien ne nous empêche d’essayer autre chose.
Partez à la conquête de votre plaisir grâce à la masturbation ! Cela sera l’occasion d’explorer le pouvoir du clitoris avec vos doigts et vos sextoys. Il n’y a pas d’âge pour apprendre à jouir !
Le BDSM et le porno peuvent-ils être féministes ?
Chacun aura son opinion là-dessus, et c’est tant mieux ! Une industrie du X éthique, dite “féministe”, est en plein essor. Elle a pour objectif de payer de façon égale ses acteurs et ses actrices, de respecter leur consentement et de proposer des scénarios à travers un regard féminin ! Que l’on comprenne ou non le désir de soumission et que l’on soit pour ou contre la pornographie et le BDSM, si le milieu du hard tend à s’améliorer, nous ne pouvons que l’approuver.
Faire l’apologie de la soumission sexuelle sous couvert d’empowerment serait un peu démesuré face aux relents de patriarcat subsistant dans notre société actuelle, mais condamner les fantasmes des femmes reviendrait finalement à brider leur sexualité. Leurs combats ne sont pas terminés et elles en bavent déjà assez ! Selon nous, le féminisme et le désir de soumission sont compatibles à condition que la sexualité rime avec consentement et épanouissement !