Antivieillissement et beauté de la peau et des cheveux. Non, nous ne vous parlons pas d’une énième pilule miracle mais du sperme ! Pourtant, l’éjaculation faciale attire autant qu’elle repousse. Et nous le comprenons. Associée à une forme de pornographie hardcore dans laquelle l’homme salit la femme, la “faciale” est jugée dégradante et humiliante. Nous avons peut-être quelques arguments pour vous réconcilier avec elle et dépasser le tabou. Au service de votre plaisir à deux.
Ejaculation faciale : à quand remontent les premiers fluides déversés sur le visage ?
L’éjaculation faciale est une pratique récente. Absente du Kamasutra, qui parle pourtant d’éjaculation féminine que l’homme peut recevoir sur son visage, la pratique n’est pas non plus présente dans les premiers films pornographiques des années 1890. Entre les deux, l’idée émerge néanmoins dans la tête du sulfureux Marquis de Sade (encore lui) qui écrit : “Il faut que le sein et le visage de votre ami soient inondés des preuves de la virilité de votre frère” dans sa Philosophie dans le boudoir en 1795.
Mais, il faudra attendre le porno des années 1980 et la spectacularisation de l’orgasme – masculin – pour que la pratique soit normalisée et médiatisée. Dans un article pour les Inrocks de 2016 (“L’éjaculation faciale est-elle une pratique humiliante ?“), le professeur et auteur spécialiste du sujet Antonio Dominguez Leiva disait que la pratique était “institutionnalisée par la pornographie hardcore qui a pris son envol dans les années 70. Elle s’opposait au softcore qui ne montrait jusque là que des actes sexuels simulés“. En effet, les films érotiques que pouvaient regarder nos parents n’ont pas grand chose à voir avec la pornographie actuelle…
Aujourd’hui encore, l’éjaculation faciale est une des pratiques phares de tout bon film porno qui se respecte mais on pourrait aussi citer la fellation, la levrette ou encore la sodomie. La tendance à la spectacularisation de l’orgasme, en montrant le plus de sperme possible ou des squirts impressionnants, se poursuit. Pour le mieux ? Pas si sûr. Déjà parce qu’il ne faudrait pas que spectacularisation remplace plaisir. Mais aussi, parce que pour la femme, le squirt n’est pas un orgasme.
La pratique en question
Concrètement, à part les actrices et acteurs porno, qui pratique l’éjaculation faciale ? Selon une étude de l’IFOP de 2018, près de 12% des femmes interrogées ont déclaré que leur partenaire avait déjà éjaculé sur leur visage.
Une autre étude de l’IFOP, réalisée pour The Poken Company, d’envergure européenne et datant de 2021, révélait que 21% des françaises avaient déjà reçu une éjaculation faciale et 26% des européennes contre 31% en 2016 (« Étude Ifop pour The Poken Company réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 1 au 5 mars 2021 auprès d’un échantillon de 5 025 femmes, représentatif de la population féminine âgée de 18 ans et plus résidant en Italie, en Espagne, en France, en Allemagne et au Royaume-Uni. »).
A quelques années près, les chiffres semblent donc présenter deux réalités différentes. Un élément d’explication peut provenir de l’échantillon interrogé. De même, les chiffres peuvent paraître relativement bas en raison du caractère justement encore tabou de la pratique.
Loin du tabou, celles qui aiment l’éjaculation faciale font part d’un sentiment gratifiant de se sentir responsable du plaisir de leur partenaire et de satisfaction au moment de l’orgasme sur une partie aussi intime que le visage.
Ejaculation faciale : d’où vient le tabou ?
Si l’éjaculation faciale est une pratique inavouable au regard des bonnes moeurs, à moins de passer pour une dépravée, également largement considérée comme humiliante, elle serait finalement tout autant gratifiante que dégradante. Et derrière le langage érotique puissant qu’elle dégage, il se cache aussi un peu un univers BDSM…
Une pratique inavouable et humiliante
D’abord, si l’éjaculation faciale repousse, c’est parce qu’elle est directement associée aux films pornographiques. En même temps, ce sont bien eux, dans un registre hardcore, qui ont popularisé la pratique. Dans ce registre, la femme se fait aussi humilier par l’homme en se faisant “cracher” au visage, “salir”, ou encore “dégrader”. Le champ lexical est lourd de sens et de conséquences. La “faciale” humilie donc la femme et présente l’idée que l’homme se soulage. Aucune mention de partage donc.
Le tabou vient également du fait que le sperme est considéré comme quelque chose de sale, de dégoûtant. Par opposition, le visage, dans sa symbolique, est un endroit sacré, soigné, sur lequel on ne crache pas dans la mesure où ce geste serait insultant. La sexothérapeute Nathalie Giraud-Desforges, dans un article pour Femme Actuelle (“Ejaculation faciale : une pratique toujours aussi inavouable“), mentionne bien qu’éjaculer au visage est lourd de sens : “Quand l’éjaculation est buccale, elle est un prolongement du plaisir en duo. Le visage, c’est autre chose. Il rappelle le crachat, la gifle“.
Erotisme et amour ultimes ?
“Quand mon partenaire éjacule sur mon visage, je vois le fruit de sa jouissance de manière plus directe que s’il éjacule à l’intérieur de moi ou sur mes fesses par exemple. Cela me permet aussi de le regarder et de voir son excitation au moment de l’éjaculation. J’adore ça !“. Et si l’éjaculation faciale avait une grande puissance érotique ? C’est en tout cas ce que nous a confié Nina. Pour elle, il n’est aucunement question d’un acte dégradant mais bien d’un acte gratifiant autour du fait de voir l’autre en train de jouir et d’en recevoir le “fruit” au plus proche de son champ de vision.
La sexologue Alexandra Hubin, dans un article pour Femme Actuelle (“Ejaculation faciale : notre sexologue décrypte cette pratique sexuelle“), accorde elle aussi à cette pratique sexuelle un côté érotique et stimulant de part son caractère visuel. Finalement, l’éjaculation faciale donne un aspect visuel à l’orgasme masculin en le dotant d’un vecteur érotique puissant, aussi osé qu’intime.
Au-delà, la rareté de la pratique ne lui donne-t-elle pas un petit côté spécial ? Il est quand même plus rare de recevoir une faciale d’un inconnu coup d’un soir que de votre amoureux. La pratique, à travers son côté très intime, pourrait bien être une preuve de complicité, de partage, de confiance et d’amour entre deux partenaires. Considérer l’éjaculation faciale comme un don de son partenaire et un moment d’amour pourrait être même libérateur pour celles et ceux qui ont encore des a priori. Et ce n’est pas nous qui le disons. L’argument est mis en avant aussi bien par des hommes que par des femmes.
Ejaculation faciale et désir de soumission
Nous n’aurions pas pu parler sérieusement de l’éjaculation faciale sans parler de BDSM. Car se faire éjaculer dessus, peut-être encore plus sur le visage, c’est un peu se faire dominer. La pratique peut aussi faire partie d’un jeu de soumission / domination. Ici, éjaculer au visage de sa soumise ou de son soumis va servir à le ou la salir et à l’humilier.
D’ailleurs, on reprend finalement exactement les mêmes codes qui font que l’éjaculation faciale est taboue sauf que la pratique est volontairement humiliante et dégradante. Tant que la pratique est choisie et non subie par l’un des deux partenaires, il n’y a aucun sujet. En réponse à une question d’un lecteur, le chroniqueur LGBT américain Dan Savage écrivait justement : “Les éjaculations faciales sont dégradantes et c’est pourquoi elles sont si excitantes“.