Autosexualité, est-ce grave Docteur ?

Qui a dit qu’il fallait être deux pour créer une relation ? En tout cas, les autosexuels affirment se suffire d’eux-mêmes. Ils s’aiment et se le rendent bien. A l’ère de l’acceptation et de l’affirmation de soi, l’autosexualité va-t-elle trop loin ? Constitue-t-elle un problème d’ego ou une forme de célibat déguisé ? Quand ses détracteurs crient au narcissisme ou à la nouvelle lubie (même nous, étions sceptiques au départ), il ne semble pas vain de se poser quelques questions.

Autosexualité, qu’est-ce que c’est ?

S’aimer soi-même n’aura jamais autant pris tout son sens que pour les autosexuels. Ce précepte va en effet pour eux au-delà de la simple philosophie de vie car il constitue une véritable forme de sexualité, une orientation sexuelle à part entière. L’autosexualité revient alors à ressentir une attirance sexuelle envers son propre corps. Concrètement, les autosexuels sont excités par eux-même et vont prendre davantage de plaisir en s’auto-stimulant que par la pénétration, la fellation ou le cunnilingus. Le terme renvoie donc en grande partie à la masturbation.

Mais pas que. Certains vont plus loin que la simple attraction sexuelle par son propre corps en parlant de « romansturbation » qui implique une relation romantique avec soi-même en plus de la dimension sexuelle. En pratique, cela pourrait donner un date avec soi-même, au restaurant ou un dîner à la maison, suivi d’une séance solo sous la couette.

Le fait de n’avoir de pratiques sexuelles qu’avec soi-même peut avoir diverses origines : par goût, par contrainte, ou encore par isolement. Certains spécialistes mentionnaient même auparavant un certain manque d’attirance sexuelle envers autrui. Parce que si le phénomène peut paraître déroutant au premier abord, il n’est cependant pas nouveau. Le terme d' »autosexualité » a été utilisé la première fois par le psychothérapeute et sexologue américain Bernard Apfelbaum en 1989 pour désigner les personnes ayant du mal à être excitées par quelqu’un d’autre que par elles-mêmes. Sa définition correspondrait plus aujourd’hui à la notion d' »asexualité » car l’autosexualité est la plupart du temps un véritable choix d’orientation sexuelle.

Femme autosexuelle en train de se masturber dans un lit.
Que serait l’autosexualité sans la masturbation ?

Autosexualité, autoromantisme et sologamie : la même chose ?

Il existe décidément de multiples concepts pour désigner une attirance pour soi-même ainsi qu’une sexualité tournée vers son propre corps. La nuance entre l’autosexualité, l’autoromantisme et la sologamie réside en fait dans le degré d’engagement avec soi-même.

L’autosexualité peut s’accompagner d’autoromantisme, c’est-à-dire d’un sentiment amoureux envers soi-même, au même titre que des sentiments éprouvés pour quelqu’un d’autre. Et cette attirance romantique va être principalement, voire exclusivement, dirigée vers soi. Comme une sorte d’exclusivité avec soi-même, qui n’exclut toutefois pas le fait de tomber amoureux de quelqu’un d’autre à un moment donné de sa vie évidemment.

Certains autoromantiques vont même jusqu’à s’engager avec eux-même en décidant non seulement d’entretenir une relation exclusive avec leur propre personne mais aussi de se mettre en couple avec eux-même. On parle alors de « sologamie » qui peut même aller jusqu’à l’auto-mariage. Pour le meilleur et pour le pire. Ces personnes font alors le pari de passer toute une vie avec elles-mêmes.

Encore une fois, la sologamie est étonnante mais pas nouvelle puisqu’elle est apparue au Canada il y a déjà 20 ans. Et le mouvement s’est ensuite étendu aux Etats-Unis et au Japon avant de faire son apparition en Europe il y a quelques années.

tonnant mais pas nouveau puisqu’elle est apparue au Canada il y a déjà 20 ans. Ce mouvement a tant attisé la curiosité qu’il s’est étendu aux Etats-Unis et au Japon et commence à toucher aussi l’Europe. Il semble que l’idée de s’épanouir dans une relation avec soi-même sans dépendre de quelqu’un soit alors séduisante.

Homme nu dans un lit après la masturbation.
Non, la sexualité en solo n’est pas triste. Donnez-vous de l’amour (même si vous n’êtes autosexuel.le) !

Je suis autosexuel : est-ce problématique ?

Certains voient l’autosexualité comme un trip égocentrique, d’autres comme une addiction à la masturbation ritualisée et d’autres encore comme du célibat déguisé. Les critiques sont multiples et montrent surtout combien le concept est plus incompris que problématique.

Par exemple, le célibat ne peut pas suffire pour décrire l’autosexualité car même si être autosexuel revient forcément à être célibataire (et encore peut-être peut-on être autosexuel et polyamoureux), la résumer au seul célibat lui enlève son aspect revendicatif. Le concept permet en effet de repenser et d’élargir notre conception de la sexualité et des relations amoureuses. Et cela ne fait pas de mal.

L’autosexualité est un véritable choix

Exit l’asexualité, l’autosexualité est la plupart du temps un véritable choix. Dans ce contexte, elle ne peut donc pas être problématique. En revanche, si elle est vécue comme une contrainte, en raison de l’isolement par exemple, et ressentie comme une souffrance, elle devient subit donc un problème. Mais, pour les personnes qui se revendiquent asexuelles, elles mettent en avant l’épanouissement personnel et l’accomplissement de soi sans contraintes d’un.e conjoint.e.

C’est le cas de Ghia Vitale, se définissant comme autosexuelle et autoromantique, qui avait témoigné dans le média britannique Metro en 2017 avoir fait un vrai choix et en être pleinement satisfaite. « J’avais des sentiments romantiques et une attirance sexuelle envers moi-même, mais j’ai toujours supposé que pour être légitime une relation devait impliquer une autre personne. Aujourd’hui, je me rends compte que ma relation avec moi-même est aussi légitime qu’une autre« , avait alors déclaré la jeune femme.

Et bien évidemment, l’autosexualité ne nie pas qu’il est tout à fait possible de se concentrer sur soi et de s’épanouir personnellement tout en étant avec quelqu’un. Chacun fait ce qu’il lui plaît après tout.

Femme autosexuelle se regardant dans un miroir.
Pour certains, l’autosexualité va même jusqu’à ressentir de l’excitation lorsqu’ils voient leur reflet dans le miroir.

Trip égocentrique vs. désir de soi

Etant donné que l’autosexualité renvoie à une auto-attraction, qu’est-ce qui nous empêche de penser que les personnes autosexuelles sont profondément narcissiques ? D’abord, l’attirance pour soi n’est en réalité par nécessairement exclusive. Certain.e.s autosexuel.le.s peuvent également être attiré.e.s par d’autres personnes à certains moments.

Ensuite, et contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’autosexualité n’a pas grand chose à voir avec le narcissisme ou l’égocentrisme car les autosexuels seraient plus à l’aise seuls, y compris sexuellement, tandis que les narcissiques auraient cruellement besoin de l’attention des autres pour exister. C’est en tout cas ce qu’avance le psychothérapeute et sexologue américain Michael Aaron. Nous le croyons volontiers.

La thérapeute Casey Tanner avance aussi que l’autosexualité peut être une facette saine, voire précieuse, de notre vie sexuelle, trop souvent ignorée de nous-même. La spécialiste donne une définition plus large de l’attirance envers soi-même en englobant le self-care, le self-help et l’exploration de son intimité. Cela peut tout autant être comment embrasser son intimité que comment se laver avec amour en prenant un bon bain chaud ! L’idée est de porter une attention particulière à la manière de se faire du bien pour être à l’aise avec soi et avec son corps. Elle déclare que l’autosexualité contribue également à être plus à l’aise sexuellement avec les autres.

Aimer son corps, en prendre soin et se sentir sexy indépendamment des yeux de quelqu’un, on dit franchement oui ! Un vrai désir de soi. Peut-être devrions-nous tous être un peu autosexuels finalement.

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